Ce chapitre s'ouvre sur une grande photo prise dans un musée où l'on voit un homme de dos regardant 4 écrans accrochés sur un mur. Sur ces écrans on voit un homme faisant son jogging, chaque écran montrant un point de vue différent. Le texte introductif qui suit défile par dessus cette photo.

« Aujourd’hui, si je tentais d’aller voir une expo. Voyons, là, près de chez moi, il y a un lieu pour l’art contemporain m’a dit mon instructeur de locomotion à l’époque où il m’apprenait le trajet pour aller au travail. C’est près de l’arrêt de bus, j’y vais, je tente.
J’ai repéré les grandes vitres avec ma canne, j’entre, un peu hésitant. C’est sans doute une grande pièce, vu la façon dont mes pas résonnent.
J’entends quelqu’un arriver vers moi.
- Bonjour monsieur, ah, vous venez voir l’expo. Enfin, je veux dire visiter… Et je sens une petite gêne pointer.
- C'est-à-dire qu’il n’y a que des vidéos et des photos. Et certaines vidéos n’ont pas de son. Comment faire ? C’est une femme, assez jeune sans doute. Je ne sais pas trop quoi lui répondre. Face à mon silence, elle enchaîne d’un ton décidé.
- On va essayer, je vous accompagne.
Je lui attrape le coude et nous voilà partis. »

Photo et vidéo

Peut-on faire parler une photo ? Peut-on se figurer l’univers d’une vidéo en l’absence de vision ?

Impalpables, les vidéos, ces images aux mouvements incessants, n’offrent guère de prise pour la saisie de l’œuvre. Les photos, bien qu’images fixes, ne présentent pas plus de réalité immédiate pour qui ne peut les voir, si ce n’est leur matérialité, supports planes de tailles variées.

Au médiateur d’inventer.

Film : Photo, Video, Son en Art contemporain

Il pourrait recréer un environnement sonore, autant pour les vidéos silencieuses que pour celles qui présentent un décalage entre son et image.

Il pourrait rendre les lieux filmés plus présents, mettant en scène le corps du spectateur, ses autres sens. Cette scène au cœur d’une déchetterie serait tellement plus facile à imaginer si des odeurs parvenaient au spectateur… Ces magazines jetés dans les flammes auraient une autre réalité s’ils étaient touchés… Cette scène sous-marine serait plus vivace si l’on plongeait les mains de la personne non-voyante dans un bac d’eau fraiche...

Le médiateur pourrait tout aussi bien faire toucher les objets de la photo, recréant un environnement tactile aux contours moins impalpables. Ou poser un cadre sur une moitié de visage pour figurer la façon dont un photographe découpe les corps.

Autant de vidéos, de photos, autant d’idées à poursuivre...