Ce chapitre s'ouvre sur une grande photo prise dans la station de métro François Verdier à Toulouse. Nous sommes au niveau des quais, au moment où des voyageurs montent et descendent de la rame. Sous l'escalator menant à l'étage, démarrent les racines et le tronc d'un arbre gigantesque que l'on devine se poursuivre dans les étages. L'arbre entoure un banc surmonté d'un texte incrusté dans le tronc. Cette partie de l'arbre est constituée de mozaïques noires et brillantes. Le texte introductif qui suit défile par dessus cette photo.

« La médiatrice de la semaine dernière m’a dit qu’il y avait des œuvres d’art dans la ville. Elle m’a même proposé de me faire découvrir l’une d’elles. C’est curieux, j’ignorais complètement que ça pouvait exister, des œuvres dans la rue. Comme quoi, si personne ne vous en parle, ça passe inaperçu. Apparemment, elles sont gigantesques, on ne peut en toucher qu’une partie. J’imagine qu’elle va m’expliquer, voire me proposer des maquettes ou des objets à toucher pour m’aider à me représenter l’œuvre. Peut-être autre chose. Intriguant... »

Le monumental dans la ville

Ces œuvres, installées dans l’espace public (dans les jardins, le métro, sur une place), la plupart du temps monumentales, risquent de passer inaperçues pour qui peine à les voir. En marge d’un parcours, elles seront ignorées, sur le chemin, elles ne seront guère qu’un obstacle à éviter.

Si d’aventure la personne déficiente visuelle croisait l’œuvre monumentale et s’y arrêtait, elle ne pourrait en approcher qu’une bribe, des morceaux épars, quelle devrait recomposer par la pensée pour s’en construire une image mentale. Une grande part demeurerait impalpable, impossible à toucher ou difficile à voir dans sa totalité.

Doit-on accepter que l’œuvre demeure ainsi, amputée d’une partie de son contenu, ou faut-il absolument donner à comprendre l’inatteignable ?

Pour une médiation, le médiateur pourra utiliser des maquettes, des facsimilés reproduisant la totalité ou une partie de l’œuvre, il pourra montrer des matériaux évoquant la genèse de l’œuvre ou sa structure, proposer des parcours autour de l’œuvre pour permettre d’en comprendre les dimensions ou la façon dont elle est implantée dans l’environnement. À la personne déficiente visuelle de tout articuler pour composer sa propre représentation de l’œuvre.

À moins que le médiateur ne choisisse de s’en tenir à cette multitude d’impressions qui créeront une autre forme d’œuvre, singulière et énigmatique...

Film : L'espace public et l'œuvre monumentale