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Ce chapitre s'ouvre sur une grande photo prise dans un musée où l'on voit 3 femmes de dos devant un tableau. Celle de gauche est acompagnée d'un chien d'aveugle et tient par le bras celle du milieu. Celle de droite, porte un bandeau lui permettant d'expérimenter une visite à l'aveugle : la femme du milieu décrivant l'oeuvre aux deux autres. Le texte introductif qui suit défile par dessus cette photo.

« Je suis malvoyant, je suis aveugle depuis ma naissance, j’ai perdu la vue il y a deux ans, je ne vois pas les couleurs, mon champ visuel est tout à fait restreint, j’ai des taches devant les yeux, je vois flou, je ne vois que les lumières, bref, je suis déficient visuel. Et malgré tout, j’ai envie de voir des œuvres d’art, d’en toucher, d’en entendre parler, j’ai envie qu’on m’emmène en visiter, j’ai envie de comprendre ce que c’est, l’art contemporain. Il paraît que ça surprend, que ce n’est pas forcément beau, il paraît qu’il y en a pour tous les sens, il paraît qu’il y a des gens dont le métier consiste à donner envie d’aller voir... »

Art et cécité

Sur quel terrain improbable peut-on créer des ponts, des points de contact, une rencontre entre les œuvres d’art contemporain et le public déficient visuel  ? Dessins, peintures, installations, œuvres monumentales, vidéos, des œuvres qui paraissent éloignées de ce qu’il serait aisé à percevoir pour une personne déficiente visuelle. Et pourtant…

Film : Techniques de guidage

Film : Expérimenter la malvoyance

Film : Rencontre Médiateurs et Médico-Social

L’art contemporain fait appel à tous les sens, de la façon peut-être dont la personne déficiente visuelle sollicite ses autres sens pour palier le défaut de vision. L’art contemporain ne cherche pas à faire du beau, il cherche à créer une émotion chez le spectateur, il cherche à faire écho à son vécu. Et surtout, l’art contemporain autorise toutes les approches. Il est un univers où la subjectivité est de mise, il n’a d’existence qu’en fonction de ce que son public en fait. « C’est le regardeur qui fait l’œuvre » nous dit Marcel Duchamp. Alors tout devient possible.  Que l’on soit déficient visuel ou non, c’est toujours à la personne dans sa singularité que l’œuvre d’art s’adresse.

Aucune personne déficiente visuelle ne voit la même chose, c’est un handicap aux mille visages, qui prend des formes multiples, presque impalpables. Entre une vision tubulaire, une vision floue, une achromatopsie, une cécité de naissance, une cécité acquise à l’âge adulte, il y a des écarts considérables. Personne ne verra la même bribe de l’œuvre d’art, personne n’en aura la même approche, plus que jamais la personne déficiente visuelle ne peut qu’avoir une approche singulière de l’œuvre.

Pour favoriser cette approche, un intermédiaire est la plupart du temps nécessaire, une personne qui aura un rôle de médiation entre l’œuvre d’art et le spectateur.

Alors laissons le médiateur créer ces ponts, ces points de rencontre, que ce soit avec des mots, des objets, des ateliers dans lesquels le corps est en jeu, des odeurs, tout ce qu’il pourra inventer pour favoriser la rencontre avec l’œuvre.

Le médiateur pourra être un professionnel de l’art ou de la culture, un professionnel de la déficience visuelle, mais tout aussi bien une personne s’intéressant à l’un comme à l’autre, un parent, un ami.